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Sample Track 1:
"Bel Kongo" from Rasin Kreyol
Sample Track 2:
"Ban'm La Jwa" from Rasin Kreyol
Sample Track 3:
"Beni-Yo" from Rasin Kreyol
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Rasin Kreyol
Layer 2
Briller, tomber, se relever, briller, by Alain Brunet

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La Presse (Montreal), Briller, tomber, se relever, briller, by Alain Brunet >>

"And now Rasin Keyol, another disc well packaged , more mature, and lets say the best world music CD of 2004."


Sourire radieux, courtoisie, intelligence, raffinement. Cette lumière dans les yeux, cette beauté inaltérable. Nous revoilà devant Émeline Michel à Montréal, une quinzaine d'années après l'avoir portée aux nues... pour ensuite avoir été déçu de sa dérive professionnelle.

Établie à New York depuis cinq ans, la chanteuse originaire des Gonaïves, comme par hasard la zone la plus sinistrée d'Haïti après le récent passage de la tempête tropicale Jeanne, a fait preuve d'une force insoupçonnée. Celle qu'on croyait confinée à jamais aux réseaux de la créolité revient à la charge avec un très bon disque, un des meilleurs recueils de chanson haïtienne à avoir été mis en marché.

Depuis nous luttons sur le front des Amériques / Et nous tombons comme Toussaint Louverture, DelGres, Mackandai / Mais nous nous relevons avec la voix de Bob Marley / avec les poings de Muhammad Ali, avec la gloire du roi Pelé, clame-t-elle dans un nouvel enregistrement.

Émeline Michel aussi s'est relevée après avoir cafouillé dans les méandres du showbusiness nord-américain, une industrie qui lui avait promis mer et monde. La voilà qui surfe allègrement sur un nouveau CD, Rasin Kreyol, concentré de soleil, de larmes, de sable, de boue, de konpa direct, de rara, de rythmes profanes et sacrés. De ces racines créoles qui trouvent encore à se nourrir dans le sol désertifié de l'île Magique.

« J'ai plus d'emprise sur mon travail, soutient la chanteuse. Longtemps, on m'a dit que ce serait cool d'inviter untel ou untel sur mes disques. J'essayais d'intégrer ces suggestions, je finissais par avoir le sentiment de me chercher. La faiblesse de ma cohérence artistique, par le passé, traduisait aussi mon état d'esprit. Celui d'une personne ayant perdu ses racines, déconnectée de son pays. »

En 1999, elle quittait Montréal où elle s'était cherchée pendant plus ou moins quatre ans... Elle travaillait alors avec Papa Jubé, un artiste dans le giron de Wyclef Jean qui lui fit obtenir un contrat chez Sony.

« Une équipe d'une vingtaine de personnes s'occupait de moi. Et ça s'est très mal passé. J'avais d'abord enregistré deux titres, dont une reprise de Tuck & Patti; on a aimé, mais on a mis quelqu'un sur mon cas. Cette personne m'a vite fait savoir que je devais chanter des titres plus crossover. Avec, bien sûr, des éléments de hip hop haïtien, avec des teintes proches de Lauryn Hill. On voulait bien sûr que je travaille avec Wyclef Jean, mais ce dernier a jugé que je n'avais pas assez de talent.»

« Pauvre Wycelf... Il veut lui-même décider quels artistes haïtiens lui succéderont! Si, par ailleurs, j'avais encore la prétention d'interpréter des chansons en anglais, je les ferais plus folk, avec des instruments acoustiques, guitares et congas... Ça m'a donc traumatisée pendant quatre ans; il m'a fallu sortir de là. Ça m'a quand même permis de retourner aux sources de ma démarche. Je n'ai donc pas d'amertume. »

Reconnectée sur son île

Après avoir rêvé en grand, Émeline a rêvé en petit. Le petit rêve serait le bon; un premier disque, Cordes et âme, en témoignait il y a quatre ans. Et voilà Rasin Kreyol, un disque encore mieux fagoté, plus mature, voire un des meilleurs disques de musiques du monde en 2004. Et pour cause. Non seulement la chanteuse fait preuve d'une grande maturité, mais encore ses collaborateurs, tels Daddy Beaubrun (ex-Boukman Ekspéryans) et Makarios Césaire, témoignent d'une connaissance profonde des différents styles de musique haïtienne.

Pour que le petit rêve devienne grand, Émeline Michel s'est reconnectée sur son île où elle séjourne quelques mois chaque année.

« Ça me permet de poursuivre une recherche personnelle, d'alimenter ma souvenance des rythmes, des sons traditionnels de la musique haïtienne. Je vais beaucoup à Jacmel et à Port-au-Prince. J'y ai constaté que faire le tour du monde m'a conduite à trouver ce qui était en moi. J'ai mis du temps à prendre à bras-le-corps ce qui m'appartenait. »

Dans toutes les régions d'Haïti, Émeline Michel s'implique dans des oeuvres humanitaires- campagnes de prévention du sida, etc. Quant au showbiz dans un pays ravagé par tous les chaos... « Il n'y a plus de vie nocturne depuis un moment déjà, indique-t-elle. Haïti est une montagne russe, un pays d'émotions extrêmes. Haïti doit vivre au jour le jour sans planifier. Son peuple est toujours au bord du précipice. Haïti est une grande poubelle, mais pourtant la lumière jaillit encore de cette boue. »

Le droit à l'espoir

Et les Gonaïves, votre région natale? Le visage de l'interviewée s'assombrit.

« Depuis longtemps, les autorités savaient qu'il y avait danger parce que la ville était construite au-dessous du niveau de la mer et que la déforestation augmentait le risque des inondations. Pour moi, c'est encore une preuve flagrante de la bêtise des gens qui gouvernent ce pays.»

« On espère que cette catastrophe va réveiller les gens, pense néanmoins l'artiste. Je repars donc en Haïti le 20 octobre pour une dizaine de jours; des fonds amassés au cours de mes spectacles seront remis aux habitants des Gonaïves. Mais il me faut m'assurer qu'il y ait une petite continuité à ce geste. Car, déjà, on détourne cette aide. Lorsque, par exemple, un médecin haïtien de New York a envoyé 300 000 $ de matériel, des douaniers corrompus lui ont exigé des fonds supplémentaires pour dédouaner le matériel! »

Cela étant dit, Émeline Michel refuse de conclure à la perpétuité du mauvais sort jeté à son île au cours de ses deux siècles d'indépendance.

« Je pense qu'on a encore droit à l'espoir... Lorsque la tempête Jeanne a fait rage, j'étais émotionnellement détruite, je ne voulais pas parler aux médias, qui savaient que j'étais originaire des Gonaïves. Quelques années plus tôt, j'y étais retournée pour admirer le grand arbre de mon enfance, un bayaond autour duquel les marchands faisaient leurs affaires. On l'avait coupé à ras le sol pour faire du charbon, j'ai pleuré comme un bébé... Cette fois, la ville entière a été rasée. L'hôpital où je suis née n'est plus là, la tempête l'a emporté avec les nourrissons qui s'y trouvaient. Une image de fin du monde... »

Briller, tomber, se relever, briller. Voilà la destinée d'Émeline, comme celle de son peuple.

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ÉMELINE MICHEL sera en spectacle le 13 novembre au Kola Note. 10/09/04 >> go there
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