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Enfin, le retour des Nuits d’Afrique ! Depuis le 9 juillet dernier, cet événement unique et audacieux, aux couleurs des musiques du monde, anime la métropole. Parmi ces rendez-vous précieux et rares : la Caravane pour la Paix, le 17 juillet à La Tulipe. Imaginez un aller simple, tout droit vers le Sahara, espace sacré des Touaregs maliens. Sacré mais bafoué depuis 2012, avec les oppressions et violences des Islamistes qui briment leur liberté de vivre en harmonie sur leur « paradis de sable ». Sans trop m’épancher sur la situation politico-sociale des Touaregs du Nord Mali, je souhaitais rendre hommage à ces trois groupes formant l'étonnante Caravane pour la Paix. Honorer le courage et la virtuosité de ces artistes, musiciens et chanteurs, qui ont eu l’idée géniale de se regrouper pour chanter au nom de la paix au Mali.
Bref retour en janvier 2013 : le Festival au Désert, événement annuel organisé depuis 2001 à Essakane, en plein désert malien, est annulé. On craint des violences, la situation incertaine, insécuritaire, oblige l'annulation de ce festival auquel participent une trentaine d’artistes d’Afrique et d’Europe. Bono et Robert Plant participèrent à l’événement, pour ne nommer que ces alliés à la cause. Le festival ainsi brimé fera réagir des artistes touaregs, dont la formation Tartit, composée de 5 chanteuses traditionnelles et de 4 musiciens. S’ajoutent à la Caravane le groupe Imharhan, puisant dans les sources blues et rock du Mali, et le guitariste de renom Mamadou Kelly, qui accompagna notamment Ali Farka Touré avec son blues captivant. La Caravane pour la Paix devient une aventure à la fois humaine et musicale, à la rencontre des mélomanes et des supporteurs. La résistance dans la voix et la mélodie comme armes de revendication, ils sillonnent ainsi les scènes du monde, en Europe et depuis peu en Amérique du Nord. Trois membres de ce super band se sont entretenus avec moi, il y a quelques jours, lors d’un passage au Nouveau-Mexique.
Une voix féminine du désert
En plus de chanter dans la formation Tartit, Fadimata Walet Oumar s’occupe des femmes des camps de réfugiés au Burkina Faso. La vie des camps lui est devenue familière, malgré elle, comme elle l’évoque : « Il y a eu la rébellion touareg, les représailles sur les populations civiles, puis l’arrivée des Islamistes. Depuis, nous sommes obligés de vivre dans les camps de réfugiés, loin de chez-nous. Nous espérons pouvoir y retourner… Avec la Caravane, nous voulons montrer au monde que nous sommes là, que nous voulons faire notre musique et la partager. »
Les tournées sont bénéfiques pour les membres de la formation qui rencontrent d’autres Touaregs, aux États-Unis, en Europe et au Canada. Un support nécessaire, sain, une façon de crier leur existence, leur volonté de vivre en paix. Sur l’état actuel du nord du Mali, Fadimata reste optimiste : « Les choses vont de mieux en mieux, ça s’arrange. J’ai de l’espoir, même si les problèmes politiques persistent, de générations en générations. Dans la Caravane, nous sommes tous du Nord, de différents lieux, et nous jouons de la musique ensemble. Il n’y a pas de problème entre nous », ajoute-t-elle. Fadimata n'a pas la langue dans sa poche ! Femme frondeuse, elle sait que grâce aux musiciens, les politiciens parviennent à passer leurs messages. La tournée de la Caravane, c'est une façon pour ces artistes d'attirer le regard des médias sur leur destin et d'aller chercher le support de la communauté internationale. « On s'attend à ce que les grandes forces soutiennent la cause du Nord Mali pour nous aider à trouver une solution, pour unir les Maliens comme dans le passé, de façon à ce que ce conflit ne perdure plus, de génération en génération... » Unique solution pour la chanteuse malienne : donner plus d'autonomie aux régions du Nord : « Chacun connaît le fonctionnement de son campement, de sa commune. Nous sommes depuis toujours organisés traditionnellement, on doit avoir l’autonomie de gérer nos petits royaumes. Beaucoup trop de de gens se fichent de l’avenir du nord du pays, c’est à nous de le gérer », soutient-elle.
Que pense la femme du désert des valeurs nord-américaines ? Face au monde occidental, Fadimata a quelques réserves. Certes, ce voyage musical ouvre une dimension sur des réalités nouvelles et donne un souffle nouveau à ses pairs. Mais face à l'individualisme, la réaction ne se fait pas attendre : « Je n’aime pas voir l’individualisme ! Seuls les gens trop riches peuvent l’être, pas ceux qui vivent en famille et en société. Je ne veux pas que ces valeurs arrivent chez-moi ! ».
Pour Mohamed Issa Ag Oumar, membre du groupe Imharhan, autre roue de la Caravane, l'ouverture sur le monde que permet cette tournée est précieuse. « L’ouverture est importante pour nous, les Touaregs. Nous avons besoin d'aller à la rencontrer d’autres artistes : tous sont bienvenus. Le support de Bono et de Robert Plant est une grande joie pour eux. La cause des autochtones ne leur est étonnament pas étrangère. Des artistes du nord du Canada ont même été du Festival au Désert en 2008. Quant aux changements climatiques, ils préoccupent les Touaregs, témoins des transformations désastreuses des changements climatiques. « Beaucoup de choses ont changé dans le désert, la sécheresse fait des ravages », souligne Mohamed.
Le guitariste étoile de la Caravane, Mamadou Kelly, insiste sur la portée universelle du message de la Caravane, un hymne pour toutes les cultures. « Nous voulons montrer aux gens qu’il y a la paix mais qu'avec l’arrivée des Islamistes, qui nous empêchent de jouer et brisent nos instruments, il y a encore des problèmes. Entre nous les Touaregs, nous allons gérer nos tensions internes. Maintenant, ça va mieux ! », conclut le virtuose de la gratte, optimiste quant à la tenue de l'édition 2014 du Festival au Désert.
07/15/13 >> go there
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